Vénus, déesse de l'amour, naissant dans une coquille St Jacques - Sandro Botticelli
La coquille St Jacques
Sa première lettre nous la dessine.
On ne voit qu’elle pourtant elle protège religieusement un
met cher à nos assiettes. Souvent on la rencontre chez les croyants et pas
seulement aux fêtes de fin d’année.
Elle est belle, gardée pour recueillir dans son fond
dépossédé de son être toutes sortes d’offrandes, bijoux, pièces…
Elle est aussi déshonorée quand elle devient cendrier. Elle
reçoit parfois à nouveau un parent de celle qui a grandi en elle, à qui elle a
permis de devenir charnue, onctueuse, goûteuse.
Sa forme nous invite à l’emplir, son arrondi est accueillant
et son couvercle protecteur.
On hésite à la jeter, la sacrifier, la voir dans la poubelle
arrête l’œil comme une coquille dans un texte.
(Brigitte)
Le bigorneau commun
Il se découvre à marée basse, ce gastéropode fait le bonheur
du badaud qui lorgne au fond du seau son butin, les bottes aux pieds, le
bigorne s’avère intéressant par temps pluvieux.
Sans fruit son absence sur un plateau ferait défaut pour ne
pas noircir la coquille.
Sans définir l’origine, les gens du pays l’appelle vigneau,
pilo ou poulot, bigorne, Bigourounen mélen pour tous ceux du Nord de la
Bretagne.
En famille le poulot agrippera avec attention les plus
jeunes.
C’est après un court passage au court bouillon qu’il se
dégustera même par le pêcheur en herbe piqué dans sa chair.
(Didier L.)
L’oursin
Il en existe plusieurs centaines mais dans nos régions se
détachent plutôt 3 variétés : le violet, le vert, le granuleux. Se sont des
échinides divisés en deux groupes : les réguliers et les irréguliers.
L’oursin ou châtaigne de mer vit en général à faible
profondeur. On mange les gonades lorsqu’on arrive à retirer les piquants avec
les ciseaux spécialement conçus par les habitants de la région toulonnaise et
surtout de l’Arsenal.
On coupe sur le coté bouche en s’écartant vers l’extérieur
en faisant attention qu’il n’y a pas de piquants tombés à l’intérieur et on
mange la partie jaune orangée sur des morceaux de pain à l’ancienne grillés au
feu de bois avec un filet d’huile d’olive et un filet de citron.
C’est délicieux.
L’oursin est hermaphrodite néanmoins il devient une denrée
rare depuis une quinzaine d’années.
Pourtant
C’est un ours, on doit s’en méfier
C’est un saint, on doit le respecter
C’est un sein, on en a envi
Et on mange son sexe, on s’en régale
Mais on arrive à supprimer ses piquants pour se délecter de
son nectar.
(Christian Duvoy)
La moule
La moule, coquillage ou sexe de la femme, baveuse dans les
deux sens, cachée dans sa coquille pour la première et dans son string pour la
seconde et comestibles toutes les deux pour une période limitée.
Molles à l’intérieur comme du mou de chattes, la boucle du L
fait aussi penser à la forme de la coquille et le bas fait penser à la partie
d’où sort la barbe pour qu’elle s’accroche aux rochers.
Toujours en groupe sur les rochers, comme des lesbiennes à
la gay pride, leurs coquilles font penser à une madeleine pour l’une et à un
abricot pour l’autre.
La quantité de moules est toujours placée entre mole (ou môle) et multitude.
Blanchâtre à la période de la reproduction, elle ne donne
pas envie d’y mettre la langue.
(Florent C.)
[*sur Firefox le L *n'apparaît pas avec sa boucle. Utiliser I.E. ou Google chrome ou safari pour la voir.]
Le violet de roche
Le violet est habillé d’une tunique aux couleurs
dissimulatrices porteuse d’un microcosme parasitaire utile. Cet être marin,
exclus des mollusques, peut se contracter pour se rendre quasi-invisible dans
un décolleté rocheux en forme de V. Il n’a pas la brillance d’un bijou,
pourtant si proche du biju sétois mais
plutôt celle d’une patate marine.
Le sel de sa vie passe d’un siphon buccal aux huit bandes
violettes sur fond blanc à un autre siphon jumeau, éjecteur de déchets, tirant
tout autant vers le rouge et aussi beau. Et tout cela pour nourrir ses deux
gonades jaunes orangées d’une puissance sexuelle remarquable et très goûtée des
méditerranéens. La gonade, aussi grosse soit-elle ne se mastique pas. Elle
s’avale.
Idole, remède de mer : l’iode… de cette patate ou figue
de mer attire ou repousse par son odeur mais soigne toujours la tyroïde.
Qualité qui en ces temps nucléaires cause le dépeuplement de ces tuniciers
violés.
(Rolland Pauzin)
Des montagnes sur la mer
Il persiste des dunes, plateaux, pics, escarpements, et
buttes, battis sur la surface aqueuse de la terre, qui n’ont pas étés aplatis
par le clapotis et le roulement des vagues. Les enfants les appellent
« chapeaux chinois » ; les savants, des patelles. En anglais,
c’est entre autre, des barnacles , les mêmes bernacles qui
s’attachent aux coques des navires. En français de Bretagne, c’est la bernique.
Ils peuvent être définis scientifiquement comme des
amassements variés, souvent anciens, de petits animaux marins pourvus de
coquillages, carapaces (crustacés ou mollusques), ou des os de petits poissons,
morts pour la patrie, pour la faune du littoral, qui s’attachent les uns aux
autres d’une ténacité plus farouche que celle d’une mouche à merde. Ils forment
des îlots stables sur la face du flot.
Certains anthropologues postulent que les patelles sont
des déchets de repas humains qui datent d’un temps ou les nomades ont découvert
les fruits de la pèche et se sont sédentarisés. Les patelles témoignent donc
d’une ère ou les hommes ont cessé leurs pérégrinations (leurs allés et venues)
et se sont installés sur la rive maritime, avant de s’emparer des terres
intérieures et de s’atteler à l’élevage ou au pâturage.
Les patelles, ces animaux-objets entassés à la frontière
des eaux, sont les remparts du no man’s land du flux. Ils sont les
catacombes souvent surélevées (de presque cinq mètres au-dessus de la mer), qui
symbolisent peut-être les peuples déchus,
des bipèdes qui ont perdu le désir d’aller de l’avant.
(Michel René Alix)
(Michel René Alix)
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Rappel de la consigne : écrire un « objeu »
en utilisant le style de Francis Ponge, voir l’huître.
Choisir une des options suivantes :
La moule – l’oursin
– l’étoile de mer – la coquille Saint-Jacques – le bigorneau –
l’arapède ou patelle/bernique/ chapeau chinois – le couteau
de mer/solen vaginal –
le violet/bichu/Figue de mer (Microcosmus sabatieri) – le poil – le croissant – l’algue –
Points à développer :
- Description dans un style encyclopédique. Tout doit sembler objectif (mais n’oublions pas le titre du recueil : Parti pris…)
- Jouer sur les lettres, mots, sons, mots gigognes, formes des lettres, mots précédents et suivants dans un dictionnaire, oxymores, palindromes, synonymes, homophones, anagramme … pour développer des arguments soi-disant objectifs
- utiliser d’autres angles pour définir cet objeu : l’étymologie, comment prendre l’objet, le cuisiner, l’ouvrir, le couper, le manger, les symboles qui s’attachent à lui, le rapport aux chiffres, l’utilisation dans l’Histoire etc.
- utiliser de l’humour subtil, utiliser un style décalé lorsque c’est possible
L'huître
L'huître, de la
grosseur d'un galet moyen, est d'une apparence plus rugueuse, d'une couleur
moins unie, brillamment blanchâtre. C'est un monde opiniâtrement clos. Pourtant
on peut l'ouvrir : il faut alors la tenir au creux d'un torchon, se servir d'un
couteau ébréché et peu franc, s'y reprendre à plusieurs fois. Les doigts
curieux s'y coupent, s'y cassent les ongles : c'est un travail grossier. Les
coups qu'on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d'une sorte de
halos.
A l'intérieur
l'on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament (à
proprement parler) de nacre, les cieux d'en dessus s'affaissent sur les cieux
d'en dessous, pour ne plus former qu'une mare, un sachet visqueux et verdâtre,
qui flue et reflue à l'odeur et à la vue, frangé d'une dentelle noirâtre sur
les bords.
Parfois très
rare une formule perle à leur gosier de nacre, d'où l'on trouve aussitôt à
s'orner.
Francis Ponge - Le parti pris des choses (1942)
Je suis très content des textes produits. Ils utilisent vraiment les outils de Ponge tout en montrant un autre "parti pris".
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