Gif Atelier


L'atelier d'écriture de Gardanne se déroule au siège de l'AAI, 35 Rue Borely, 13120 Gardanne
chaque vendredi de 14h à 16h.
Pour contacter l'AAI utiliser l'adresse e-mail : aai.esj@wanadoo.fr ) ou téléphoner au 0442515299

L'atelier d'écriture de la Méjanes d'Aix se déroule chaque jeudi de 10h à 12h à la Mareschale, 27 avenue de Tübingen 13090 Aix-en-Provence (TEL : 04.42.59.19.71 - e-mail Ecrits.Alaai@gmail.com ) et aussi le premier lundi du mois (même heure, même lieu).

L'animation ci -dessous représente l'aspect avant tout ludique de cet atelier gratuit ouvert à tous. Du rire et de la légèreté...

Pourquoi écrire ?

Réponse de Rolland Pauzin :

Lire c'est apprendre à vivre
Ecrire c'est vivre

Ecrire c'est classer ses idées, ses histoires, les reprendre, les comprendre.

Ecrire c'est concrétiser le rêve

Ecrire c'est jouer avec les mots, sourire et rire

Ecrire c'est reprendre confiance en soi, s'estimer, se valoriser

Ecrire c'est faire sortir les démons qui rongent son ventre et se montrer plus fort qu'eux

Ecrire c'est avancer

Ecrire c'est partager et communiquer

Ecrire c'est se surprendre

La magie d'un bouillon de poésie ...

La magie d'un bouillon de poésie ...
vient des lettres et des mots. Goûtez-y.


Un atelier d'écriture propose des idées, des mécaniques pour écrire, pour prendre plaisir, pour se découvrir
Un atelier d'écriture ne juge pas, ne note pas, n'enseigne pas.
Oubliez l'écriture scolaire, venez créer et partager les plaisirs de l'écriture dans un atelier.
Rolland Pauzin.
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Réponse de Michael

Ecrire? Je ne connais pas ce mot.

Ecrire, c'est le strip-tease des souvenirs qu'on veut garder derrière son voile.

Ecrire c'est une guillotine.

Ecrire c'est une fatigue morale

Ecrire c'est comme un seau plongé dans un puits et le charme s'en va.

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Essai de Michel Alix

Réflexion sur l’écriture : j’écris donc je suis

Vous m’avez demandé une réflexion sur l’écriture. Mes idées foisonnent mais je n’arrive pas à vous donner une réponse cohérente et immédiate. Je vais essayer de tirer tout cela au clair par une analyse progressive.

Il me semble que quand j’écris, j’identifie ma pensée personnelle. Je dis « Holà, c’est moi qui parle. Taisez-vous ! » Je tais toutes les autres pensées ou toutes les autres personnes qui pensent autour de moi. Dans le silence de la nuit, j’entends le son de grignotements puissants : ce sont mes idées qui percent l’écran du réel : « J’écris donc je suis. »

Mais écrire n’est pas pour autant un comportement strictement mégalomane, « narcissiste»  ou exhibitionniste -- même si je m’habille en mots pour sortir en boite de nuit, et que  j’aperçois mon texte dans les reflets des limousines qui passent. Une fille sur mon bras (mon lecteur), j’essaye de ne pas me faire trop petit ou trop grand. J’avance vers les lumières de la grande ville.

1. Les Petits Canards

En écrivant, je vois mes idées se défiler comme une des petits canards qui naviguent à la suite de leur mère. Il y en qui se retournent, qui picorent les profondeurs, ou qui se déplacent comme des fillettes à bicyclette : des Bécassines, des Madeleines, des « quand Madelon vient nous servir à boire. »

Il faut aligner ses petits canards. Commençons par ceci, puis passons à cela, pour en venir au point ou l’écriture se diffuse, se dissolve dans le projet d’écriture et que le projet d’écrire annonce un but, une téléologie, une eschatologie, une fin de la fin. Et j’ai la foi que nous y arriverons ensemble, le lecteur et moi. Car il faut qu’il suive, qu’il nage dans mon sillon, comme le dernier petit canard. Surtout il ne faut pas le perdre.

Or les mots défilent dans ma tête comme dans un générique de fin de film interminable. A rouler devant moi pendant que je pense que, oui, le film est fini et que je dois bientôt sortir du cinéma. Le dernier petit canard hésite. Il faut attendre qu’il ait englouti son moustique, au risque de retourner sur mes pas.

Cet arbre, cette architecture, cette architectonique que je construis mentalement, c’est le soubassement du voyage que je me propose. D’abord commencer par dire que l’écriture est une conscience de qui je suis, ensuite expliquer que c’est un rassemblement d’idées vers une destination pressentie, et finalement annoncer cette destination. Ainsi, se retrouver sur le palier de la terre promise. L’écriture est ce fleuve qui mène à la terre promise ; ces eaux qui vont se renverser sur les armées du pharaon --  ce doux tapis qui me porte en avant, mes petits canards et moi. Comme le pain que je jette sur les eaux, et qui m’est rendu.

Le premier petit canard s’appelle « la recherche ». Il bégaye, le pauvre. Il n’a pas trouvé ses mots et ses faits. Il entrevoit à peu près ce qu’il faut dire, parce qu’il s’est mis à écrire automatiquement, sans arrière-pensée, sur ce fleuve qui l’entraîne vers de nouveaux rivages. Son ébauche est le fruit d’un brouillon perdu ; de notes prises rapidement, délaissées dans un coin oublié de sa sacoche.

Le premier petit canard fait son chemin hardiment sur le pèlerinage. Il sait ou il va poser les pilons ; il connaît les formules qu’il faut énoncer, les « sésames » pour décoincer la porte de la caverne d’Ali Baba ; il sait tisser des latinismes jusqu’à transformer les bas métaux en or ; il sait faire résonner la musique des sphères et entraîner les anges dans une « square danse » sur une tête d’épingle.

Et le second petit canard prend la relève. C’est l’organisateur. Il dresse l’échafaudage qui étoffe les soubassements ; il fait monter les murs et les coulisses. Il lance les formules comme des foudres de magicien. Il hypnotise. Il applique des lotions et des potions, il fait porter en ébullition sa grosse marmite en fer, qui répand des odeurs alléchantes – du caviar de triton et de la soupe de sirène, récoltées sur les coteaux des abîmes. Ajoutez une pincée de magnésium et une goutte de mercure ; tout chante.

Le second petit canard fait naviguer notre pensée en avant, l’articule, lui fait percevoir les rives de la terre promise. Tout lui est donné. Le motus vivendi. Le feu créateur, prométhéen. Il fait souffler le vent dans les voiles des navires grecs, bloqués en amont du sacrifice d’Iphigénie. (Une jeune fille lancée dans une crevasse n’est pas trop demander pour faire avancer son projet.)

Mais quelque chose le hérisse notre second canard, le paralyse, le fait perdre son entrain. C’est le troisième petit canard qui le bécote sans relâche. Car à quoi bon avoir une pensée articulée, bien habillé en mots rieurs et savants, si l’on n’est pas sur de sa véracité et de sa direction ? Le troisième petit canard, c’est la vague qui jaillit des remous pour inonder nos centrales nucléaires ; c’est les miroirs d’Archimède qui font grésiller les voiles de nos navires, bref c’est le doute fondamental.

« Je pense, je doute… » s’exclamait Descartes. Le doute est inexorablement lié à la pensée. C’est l’antichambre du diable ou il garde ses pipettes, ses alambics, ses fers chauffés à blanc. Il est la pour nous torturer, le brave ; nous réduire en bouillie ou en soupe de canard. Il chuchote : « Ou veux-tu en venir, mon pote, avec tes terres promises, tes pâtés de canards, tes battisses en chantier ? »

Il sait vous dresser des pièges avec de petites suggestions anodines : « Ne serais-tu pas en panne d’idées? » Et maintenant ? Que faire ? Que dire ? Comment se remettre en route ? Le doute ronge nos fortifications, nous bombarde de boulets, et nous fait entrer des espions dans nos donjons. Il réduit à zéro nos meilleures intuitions, attaque nos concepts les plus endurcis, et envoie dans nos cœurs le poison narcotique de la lâcheté. Je doute : « je suis mort, je suis enterré. »

Écrire c’est  se battre contre le doute. C’est hurler : « J’ai raison, et vous avez tous tort ». La vérité nous rendra fort (comme dirait Nietzsche) mais le doute nous donne la diarrhée. Écrire c’est écarter le défaitisme, les désespoirs qui ne servent qu’à renier notre chance de mériter de la patrie..

Le doute c’est «les souffrances du jeune Werther » qui mènent au suicide. C’est la  langueur cadavérique qui noie le courage et nous envoie nous écraser sur les falaises de la déchéance. Et pourtant, le doute réveille un désir de vérité. Sans autocritique, nul esprit critique ; nous sommes fermés à jamais dans nos solipsismes, nos vertiges privés. Quiconque est incapable de doute n’est qu’un insecte, dit le troisième canard.

« Que je mangerais bien ! » s’exclame le quatrième petit canard.

Il est le canard de l’érudition, de la pensée instruite. « Que de pots de cendre ! » les luminaires, d’après Nietzsche, ces âmes qui, ayant l’habitude d’être louées, ont perdu le sens éclaireur de l’humiliation. Ils risquent de devenir des hommes qui ne savent plus s’immoler sur le bûcher de la conscience ; qui perdent la gestion du feu sacré, parfumé de mort et de transcendance. 

Le quatrième petit canard met les points sur les i et barre les t. C’est l’expert qui prend plaisir à tout approfondir. Nul esclave de la réduction, celui-ci. La culture profonde offre un paradis de nuances intelligibles et lui révèle une forêt enchantée par des esprits errants.
                                                                                                              
Notre cinquième petit canard est l’arrière garde du peloton éclaireur. C’est lui qui tire le lecteur par les oreilles et le nez. C’est lui qui fournit la voix du texte, le moi secret qui se confond avec l’auteur. Car écrire c’est se projeter dans les interstices de la médiation, et dans le point de vue partagé qui n’est ni lui, ni elle, ni eux, ni moi. Quoi qu’il en soit, il faut toujours s’assurer que dernier et sixième petit canard suivra.

Saperlipopette ! Il suit !  

2. Lire et Écrire

Vous m’avez aussi demandé de réfléchir sur la relation entre « écrire » et « lire ».

Peut-être aurait-il fallu plutôt que je médite le lien entre « écrire » et « dire », entre la tradition écrite et la tradition orale. Car il y a un va et vient au sein de la littérature qui oppose un formalisme solennel et le petit cui-cui que nous fait la pensée toute nue. Faut-il dresser des barrières à la pensée ou aiguiser nos fers de lances ? Faut-il élucubrer sombrement dans les robes d’antan ou ouvrir son cœur au premier venu ? 

Mais revenons-en à nos moutons. Lire. Écrire. Lire c’est récolter. Écrire c’est semer. Il y a peut-être plus de travail à lire qu’à écrire. Quand on lit, on se soumet à quelqu’un ; quand on écrit on domine le tas. Descartes dans son poêle, Montaigne dans son château nous prenaient pour des petits points insignifiants ; Pascal, lui s’adressait tout franchement à l’homme du commun, déplorant sa bêtise et lui crachant dans l’œil. Pascal confiait à son journal ses « pensées » brutes et éparses, Descartes et Montaigne préparaient tout un tome, un long bombardement à distance.

Lire. C’est un travail. Il m’est arrivé d’entamer les mêmes livres difficiles à différents stades de ma vie. « Walden » par exemple. A quinze ans, je ne dépassais pas l’introduction, qui malencontreusement semblait plus intéressante que le livre. A vingt ans,  j’étais arrivé jusqu’à la page cinquante, suivi du’ un long sommeil de trente ans. Que fallait-il faire pour traverser ce maudit étang du vieux Thoreau ?

Avoir l’esprit plus vaillant que le mien, c’est certain. Mais à cinquante ans, voilà qu’elle se délivrerait, cette ancienne noisette. Je pigeais l’intérêt de la révolution culturelle monocoque du vieux misanthrope : j’applaudissais sinon son esprit de masochisme, du moins son entêtement. Vivre dans une minuscule cabane, mal-chauffée, les mois les plus sévères de l’hiver nord américain relève d’un tempérament rouquin! (Encore fallait-il accéder à ses élucubrations congelées.)

Pour dire, en bref, que pas tous les livres ne se « livrent » (ho, ho, calembour !) pas facilement. Avec des livres écrits en plâtre de Paris, il faut un burin ; avec les blocs Hégéliens et Heidegeriens, il faut une grue. Et pour les chevronnés de l’automutilation, il y a toujours Thomas d’Aquin et Ludwig Wittgenstein.

Il est possible que lire, comme l’intérêt pour les sports, ait une période de cristallisation. A huit, neuf, dix ans, si l’on ne se met pas à se nourrir de livres, on ne sera jamais bibliophile. Plus tard, avec l’université, on apprend à s’acharner à la tache, à décrypter d’anciens volumes issus du grec et du latin, et à faire courir son crayon pour souligner des phrases importantes et annoter les marges. Enfin, en vieillissant, on apprend à « re-visiter » ses hantes pour retrouver le début d ‘une observation personnelle, le dégel d’une fixation ignare, et à cerner les livres qui au fur des ans ont été remplacés dans le monde des idées par des lubies de journalistes ou des révisions piètres et opportunistes.

Ce sont les hommes qui gouvernent les livres et la culture, et les hommes ne s’avancent pas en ligne droite comme une armée au galop. Non, la pensée peut se perdre parmi les marais et les miasmes dans les régions lointaines de la réflexion. Et il ne faut pas donner la commande à des non-experts qui risquent de nous faire sombrer comme les légions de Varus. A la tendance autocratique et dictatoriale de l’enseignement survient un laxisme démocratique qui ferait de chacun un savant plutôt que d’entrevoir des différences essentielles de capacité d’apprendre ou même de réaction personnelle à la culture.

Encore faut-il apprécier la lecture comme un mode de divertissement et se munir d’un sens de la curiosité. Ayant fait des études philosophiques et d’arts libéraux,  je me sens tout naturellement guidé vers la science -- que j’ai négligé -- et je lis avec plaisir les textes matheux. Et pour laisser reposer un peu mon cerveau, j’avale des polars, de la science fiction, de l’histoire, et laisse courir mes doigts sur les pages d’encyclopédies.

Lire. Écrire. Pendant des années je travaillais comme rédacteur technique ; ce qui veut dire que je recherchais, écrivais, et faisait imprimer des textes pour autrui. Des textes qui servaient de formule de référence à des travailleurs manuels ou de bureau. Les textes évoluaient progressivement de la nouveauté à la désuétude. Je décrivais des procédés, citais des formules prescriptibles, et quatre années plus tard, je devais recommencer. J’appris que certains livres sont comestibles, et qu’il faut savoir quand et comment les ingérer.

J’ai fait un peu de journalisme aussi. Chaque semaine, je préparais un petit aperçu spécialisé. Il me fallait souvent lire des livres entiers pour écrire trois pages. Je devais m’assurer la vraisemblance de toutes mes données, y compris celles qui n’étaient « pas données »  parce que les sources d’information montraient un décalage entre faits postulés et faits établis.

A mesure que la date limite approchait, mon plan d’action se fixait. Il fallait appâter le lecteur par une remarque bouleversante ; ensuite l’amener de fil en aiguille à suivre mon propre parcours d’enquête (que je documentais) et en conclusion, remonter la chaîne des indices pour ramener le lecteur au lieu ou je l’avais rencontré.

D’autres fois je rapprochais deux évènements qui n’avaient qu’une ressemblance superficielle -- disons, un drame réel et un drame fictif -- pour montrer que l’art imite le réel, qu’il n’y a jamais rien de précisément neuf dans la « logo-graphie » de l’être ou du « sera ». Parfois j’élaborais la logique comparée du hasard et de l’invention, montrant que les deux phénomènes sont de véritables cousins.

Aujourd’hui je lis et j’écris des textes sur l’art, une activité qui occupe ma vie encore plus entièrement que les livres. Mais je communique mes progrès (ou mon évolution) esthétique par le moyen de textes. Ce qui n’est pas une contradiction.

En tout cas,  je suis convaincu que lire et écrire sont un couple nécessaire pour assurer la continuation d’une fonction cérébrale saine, et en passant, la persistance du lettrisme dans ces temps brumeux. 

Michel René Alix
17-07-2012

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(Photo de la bibliothèque de l'A.A.I. faite par Michael)


























Quelques citations célèbres sur "écrire c'est..."

Si on savait quelque chose de ce qu’on va écrire, avant de le faire, avant d’écrire, ce ne serait pas la peine.
Écrire, c’est tenter de savoir ce qu’on écrirait si on écrivait.
C’est la question la plus dangereuse que l’on peut se poser.
Mais c’est la plus courante aussi.
Marguerite DURAS. Écrire, Paris : Gallimard, 1993, p. 53.


« Écrire c'est lever toutes les censures. »  Jean Genet
« Écrire, c'est surtout essayer de survivre. »  J.M.G. Le Clézio
« Écrire, c'est aussi inspirer autrui, le pousser vers sa ressemblance, vers sa préférence. » Jean Cayrol
« Partir, c'est mourir un peu. Écrire, c'est vivre davantage. » André Comte-Sponville
« Ecrire, c'est aussi ne pas parler. C'est se taire. C'est hurler sans bruit. » Marguerite Duras
« Écrire, c'est une façon de parler sans être interrompu. » Jules Renard
« Écrire : essayer méticuleusement de retenir quelque chose : arracher quelques bribes précises au vide qui se creuse, laisser, quelque part, un sillon, une trace, une marque ou quelques signes. » Georges Perec
« Écrire est un métier pénible, avec ou sans génie. Avec c'est encombrant. Sans, c'est frustrant. » Félix Leclerc - Québec
« Écrire, C'est à peu près comme se trouver dans une maison vide et guetter l'apparition de fantômes. » John LE Carré

 

 


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Quelques exemples de poésie ludique jouant avec l'écriture mais faisant passer un message :

La main à la plume
J'écrirai des poèmes
sur le lait le beurre la crème
j'écrirai des odes en vers heptasyllabiques
sur les vaches les brebis les biques
j'écrirai des myriades de myriades de sonnets
sur le vent qui couche les lourds épis de blé
j'écrirai des chansons
sur les mouches et les charançons
j'écrirai des sextines
sur les fonds de jardin où se mussent les latrines
j'écrirai des phrases obscures
sur l'agriculture
j'utiliserai des métonymies et des métaphores
pour parler de la vie des porcs et de leur mort
j'utiliserai l'assonance et la rime
pour parler des prés, de la forêt, de la campagne
j'écrirai des poèmes
la main sur la charrue du vocabulaire


Raymond Queneau
Battre la campagne, 1968







Imitateur

Je parle de vieillesse à la femme que j'aime;
on me répond : « C'est dans Ronsard, tout ça. » Je parle
d'un deuil profond et d'une enfant qui s'est noyée;
on me répond : « Tout ça, c'est dans Victor Hugo. »

Je parle d'un cœur lourd comme un lac en colère;
on me répond: « Tout ça, tu vois c'est Lamartine. »
Je parle de musique et d'un parc dans la brume;
On me répond: « Tout ça, Verlaine y est passé. »

Je parle de partir, là-bas vers l'équateur;
on me répond: « Tout ça, c'est Rimbaud. » Je parle
de mon orgueil et de ma solitude amère;

On me répond : « C'est dans Vigny, t'as pas de chance. »
Je ne parlerai plus, de peur de les gêner,
ces salauds qui sans moi ont écrit mes poèmes.

Alain Bosquet, 
Sonnets pour une fin de siècle,
© Éditions Gallimard, 1980.    



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