Les amants passagers - Almodovar |
Atelier du 5
avril 2013 Phrases nominales
Consigne B : écrire un texte sans
verbe. Seul les participes passés utilisés comme des adjectifs sont
acceptables.
Sortie au cinéma
Sortie hier soir au
cinéma. Pluie fine sur Plan de Campagne. Quelle poisse les
déplacements sans parapluie ! Enfin au sec, billet en poche, au
creux d’un fauteuil de velours rouge, un cornet de pop-corn entre
les mains. A l’écran, le dernier film d’Almodovar. Un scénario
farfelu plus proche de « Talons aiguilles » que de « Tout
sur ma mère ». L’histoire des amants passagers à bord d’un
avion en perdition. Panique mesurée et remise en question des
protagonistes de la première classe. Des appels de la dernière
chance à la femme, à la maîtresse, à l’enfant depuis le
téléphone d’urgence de l’appareil. Un inventaire de personnages
truculents : une voyante en quête de première expérience
sexuelle perméable à l’odeur de la mort, une escort-girl de
réputation internationale visée par un tueur professionnel, un
couple de jeunes mariés adeptes de la mescaline, un comédien
célèbre à la vie sentimentale chaotique, un pilote en recherche
d’identité sexuelle.
Hilarité et jubilation
parmi les spectateurs de la salle de cinéma au spectacle des trois
stewards homosexuels acteurs d’un show total impro à destination
des passagers inquiets.
Alors, un conseil :
Peu importe les pluies fines et les averses de printemps, direction
la salle de cinéma ! Pour les amateurs de situations loufoques
et déjantées, voici un film incontournable.
(Françoise K.)
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Un rayon de soleil
Quelle journée magnifique !
Atelier d'écriture, bien entouré
dans une pièce sombre.
Face à moi, quelle joie ! Un
rayon de soleil !
Dehors, temps nuageux
La langue en veille
La plume légère... (là,
j'exagère)
Un fût de bière pour les compères
Fleurs sur les murs
Fruits sur la table
Bœufs dans l'étable...
et le cartable.
(Florent C.)
______________
La perte de verbe
Quelques extraits
trouvés, ici ou là. Des exemples de phrases sans verbes ou phrases
nominales. Des sortes d'aides, des pense-bêtes, des idées
ingénieuses parfois, des tournures de fous de la consigne
oulipienne, des jeux de mots.
Voilà par exemple une
discussion sur un forum branché :
- Sur ce forum, que de phrases sans verbes ! À chacun la sienne. Des erreurs ? Des inattentions ? Des fautes involontaires ou un choix de style ? Au fond pas très difficile l'écrit sans verbe, gage de modernité pour les uns, style relâché et prose inepte pour les autres.
- Bof ! Une suite de phrases sans action. Du descriptif, quelques interrogations, des onomatopées à la Serge Gainsbourg ou des bribes de phrases, style bandes dessinées, des listes de commissions d'une banalité incroyable, des menus même pas appétissants. De la langue morte, quoi ?
- La langue en péril ? Jamais, sans les mensonges des verbes beaucoup plus trompeurs que les noms communs. « Des envahisseurs, des dictateurs, des usurpateurs de la littérature » depuis toujours, ces conteurs d'actions et parfois d'états ! (Dixit Thaler, l'écrivain du « Train de nulle part », ouvrage à l'absence d'intrigue et tout naturellement, de verbes.)
- Et les adjectifs, alors ? Quelles tromperies, non ?
- En effet. Vive le silence, le vide, l'absence... le nihilisme aussi.
- Pfft ! Le verbe dans le discours politique. Quelle merde ! Des excès, des dérives, des promesses...
- Et l'utilisation des temps, des modes. Quelles balivernes ! Des conditionnels aux allures de professions de fois, de vérités incontournables, toujours bien placés et surtout bien cachés pour un populo naïf puis un peuple trompé, entubé jusqu'à l'os. Rigolo, non ?
- Non, triste, mon ami !
- Triste comme la politesse ?
- Oui. Bonjour tristesse. Voilà du verbe, des sentiments à foison, de l'amour et de l'action ou du moins de l'action émotionnelle et cérébrale parfois.
- Désolé ! Très ringard, pour moi !
Discussion suivie de
pleurs inconsolables, de peurs de dérives vers le vide peut-être.
Ailleurs, rencontre de
deux personnes troublées par ce même livre «le train de nulle
part » et dans des états différents.
D'un coté, une jeune
femme réconfortée par la beauté des noms dominateurs.
De l'autre un homme
détruit par l'inaction des phrases futures. Pourtant, voilà de ses
lèvres une suite de mots sans verbes : « Quel avenir dans
l'inaction ? Quel avenir dans ce type de mort lente ? Quel
avenir dans cette sorte de mer morte sans aucun bateau ni poisson, ou
alors, avec des bateaux et des poissons mais complètement immobiles
et donc inutiles ! »
Quelques secondes de
silence puis réconciliation autour d'un poème de Verlaine, très
descriptif et sans verbe, lui aussi :
Walcourt (de Verlaine)
Ô briques et tuiles,
Ô les charmants
Petits asiles
Pour les amants !
Houblons et vignes,
Feuilles et fleurs,
Tentes insignes
Des francs buveurs !
Guinguettes claires,
Bières, clameurs,
Servantes chères
A tous fumeurs !
Gares prochaines,
Gais chemins grands...
Quelles aubaines,
Bons juifs-errants !
__________
En ce soir léger, sortie
d'une série de compliments et d'exclamations de la bouche de ces
deux tendres personnages réconciliés et aux regards amoureux :
Quel beau tableau !
Magnifique, ce poème ! Fantastique, admirable ! Quelle
merveilleuse description d'un lieu triste puisque en Belgique.
Remarque un peu méchante et déplacée, non ? Oui, mille
excuses pour les belges. Éclats de rire. Des mains et des cheveux
entrelacés...
Début d'une idylle et...
d'une récitation d'un texte de Benjamin Péret par l'homme, de plus en plus heureux et gai.
Allô
Récitation par la femme d'un extrait de la Solitude de l'incompris poète, roi de la musicalité : Verlaine
Allô
Mon avion en flammes mon château inondé de vin du Rhin
mon ghetto d'iris noirs mon oreille de cristal
mon rocher dévalant la falaise pour écraser le
garde-champêtre
mon escargot d'opale mon moustique d'air
mon édredon de paradisiers ma chevelure d'écume noire
mon tombeau éclaté ma pluie de sauterelles rouges
mon île volante mon raisin de turquoise
ma collision d'autos folles et prudentes ma plate-bande
sauvage
mon pistil de pissenlit projeté dans mon oeil
mon oignon de tulipe dans le cerveau
ma gazelle égarée dans un cinéma des boulevards
ma cassette de soleil mon fruit de volcan
…
()
…
mon amour
- Je(u) sublime de 1936 ?
- Oui, ma belle
Récitation par la femme d'un extrait de la Solitude de l'incompris poète, roi de la musicalité : Verlaine
La Solitude de Verlaine
Derrière un rideau lourd de pourpres
léthargiques.
(L'homme) seul sur les ombres
tragiques
De la terre sans verbe et de l'aveugle
éther.
(Verlaine)
Hum ! Sacrée
discussion, quand même ! Bien sûr, de la langue de bois pour
les hyperactifs mais sans passif pour les autres, non ?
Et puis à la fin de
cette scène, pas de langue de bois entre ces deux personnages. Non,
de la gamelle marseillaise, plutôt.
(Rolland Pauzin – Texte écrit le
jour précédent pour donner des exemples de phrases nominales lors
de l'atelier)
_________________________________________________________________________
Références :
Le train de nulle part", un roman
de l'écrivain Michel Thaler. Editeur : Adcan.
Parution : 22 Avril 2004
Des verbes dans ce roman ? Non,
pas un seul tout au long des 233 pages, simplement, ici ou là,
quelques participes passés à la forme adjectivale.
Voici un extrait de ce livre :
« Quelle aubaine ! Une place de libre,
ou presque, dans ce compartiment. Une escale provisoire, pourquoi pas
! Donc, ma nouvelle adresse dans ce train de nulle part : voiture 12,
3ème compartiment dans le sens de la marche. Encore une fois,
pourquoi pas ?
- Bonjour Messieurs Dames. Un segment
du voyage avec vous ! Ou peut-être pas ! Tout comme la totalité de
l'itinéraire, du moins le mien ! »
___________
Poème : « Un Catalogue
d'images » de Vadim Sersenevic (1865 - 1942)
Des maisons —
Meules
De fer et de béton
Le brouillard, un peu d'eau
Dans un verre
D'eau de Cologne.
La rue comme une archine de tailleur
En courbes, en cassures.
De loin à nouveau
Le diacre de l'orage — le tonnerre.
Sur la paume de la place — les
veinules du ruisseau.
Dans la panse du sphinx en brique
Cocarde de mes yeux,
Bassine de mes yeux.
Pour la quantième fois (s'arrachant)
de sa chaîne
Le chien du crayon,
Et les dents des lettres avec la salive
de l'encre dans le mollet du papier.
Derrière la fenêtre tes tiges (de
bottes) des gouttières,
Derrière la fenêtre de la colère
par pouds
Et la parole sur les lèvres comme une
masse de plomb dans le poing.
Et le hussard à 6 étages du
gratte-ciel
Avec l'éperon du perron —
claquement.
Notes : archine : 0,711167
mètre, unité de Russie – aussi une forme de cintre
pouds ? Quantité de poids russe ?
___________
La Solitude de Sabine SICAUD (1913-1928)
Solitude... Pour vous noire … Pour
moi verte :
d'un vert dru, vivace tendre,
Vert platane, vert calycanthe, vert
tilleul.
Mot vert. Silence vert. Mains vertes
De grands arbres penchés, d'arbustes
fous ;
Doigts mêlés de rosiers, de lauriers,
de bambous,
Pieds de cèdres âgés [ou terre
offerte]
aux bêtes à Bon Dieu ; rondes
alertes
De libellules sur l'eau verte...
Dans l'eau, reflets de marronniers,
D'ifs bruns, de vimes blonds, de
longues menthes
Et de jeune cresson ; flaques dormantes
Et courants vifs ;
Rainettes à ressort et carpes
vénérables ;
Martin-pêcheur... En mars, étoiles de
pruniers,
De poiriers, de pommiers ; grappes
d'érables.
En mai, la fête des ciguës,
Celle des boutons d'or : splendeur des
prés.
Clochers blancs des yuccas, lances
aiguës
Et tiges douces, chèvrefeuille aux
brins serrés,
Vigne-vierge aux bras lourds chargés
de palmes,
Et toujours, et partout, fraîche,
luisante, calme,
L'invasion du lierre à petits flots
lustrés
Gagnant le mur des cours, les carreaux
des fenêtres,
Les toits des pavillons vainement
retondus...
etc. (quelques verbes dans les
strophes suivantes d'où la coupure)
___________
Notes :
vimes = osiers,
calycanthe, arbuste vert et caduc aussi
appelé Arbre Pompadour de Floride
__________________
Rimbaud - Illuminations (1874):
"Barbare"
Bien après les jours et les saisons,
et les êtres et les pays,
Le pavillon en viande saignante sur la
soie des mers et des fleurs arctiques;
[...]
Les brasiers et les écumes. La
musique, virement des gouffres et choc des glaçons aux astres.
O Douceurs, ô monde, ô musique! Et
là, les formes, les sueurs, les chevelures et les yeux, flottant. Et
les larmes blanches, bouillantes, - ô douceurs! - et la voix
féminine arrivée au fond des volcans et des grottes arctiques.
Le pavillon...
Image du film : Les amants passagers - Almodovar
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