Film des Frères Lumière - L'entrée d'un train en gare de la Ciotat |
Textes produits le Vendredi 2 novembre en appliquant la
consigne suivante :
La petite histoire d’une personne dans un moment de la Grande
Histoire avec l’expression « j’aurais aimé » et un objet actuel à placer etc.
Ah ! la belle époque
Ah ! la belle époque, en ce
temps-là tout appelait à la découverte. Les frères Lumières avec une caméra
nous faisait participer dans une salle obscure à l’entrée en gare d’un train à
La Ciotat.
En voyant arriver cette
locomotive sur nous, on en huma, après un premier frisson, son odeur. M.
Gustave Eiffel pour l’exposition de 1889 avait déjà édifié, tout de fer, son
édifice qui grimpait au ciel, nous faisant en son sommet miroiter PARIS comme
on ne l’avait jamais vu.
Paris qui dans les années 1900 se
traversera en ses entrailles par des galeries interminables qu’il fut bon, ton
phénomène de mode oblige, de fréquenter
J’aurais aimé « Ah !
Les belles bacchantes » être de ces pionniers, oui participer « chapeau
haut de forme » à ces premiers pas si merveilleux d’un progrès qui ne
s’arrêtera plus jamais d’innover.
(Didier L.)
Guerre d’Algérie
J’aurais aimé ne pas y participer
mais la vie en a voulu autrement.
Je me souviens de la charrette
dans laquelle je passais mes nuits pour me cacher des Fellagas dans la banlieue
d’Alger.
Je me souviens de l’odeur des
dattes que m’offrait une villageoise plusieurs fois par semaine, elles étais
sucrées et me laissaient une sensation de douceur en bouche durant des heures.
Étant invalide de guerre, suite à
une balle reçue un après-midi du mois d’Août 59 qui m’avait fait énormément
souffrir car je l’avais reçue à la cuisse, j’éprouve beaucoup de mal à reparler
de cette époque.
(Abd-el-Florent)
Libération ?
1967. De Gaulle arrive au Québec,
les bras levés. Moi, Pierre Charlebois, au milieu de la foule, accueille
l’image de la France. La joie, sous le soleil qui parle notre langue,
m’engloutit.
La voiture au toit ouvrant, une
Chevrolet, avance lentement sous les cris de « Vive la
France ! ». Tout le monde a apporté des objets pour faire du bruit de
chez nous. Moi, j’ai un tronc de sapin par terre et je tape d’sus comme un fou.
Le parfum de cet arbre me grise.
J’oublie la douleur de la soumission au boss anglophone. Tout s’élève
dans les airs comme la fumée d’un feu de bois. Je me sens vivre au paradis.
Ah ! Cet improbable
souvenir ! Je me souviens que j’aurais aimé téléphoner à mon fils qui
vivait à Vancouver pour lui raconter cette grande Frénésie mais le téléphone
portable n’existait pas à cette époque… et puis, je me souviens de cette phrase
mythique qui nous rendit si excités alors que M. Couve de Murville le premier
ministre français, avec son costard 3 pièces tout de noir, devint tout blanc
dés qu’il entendit, ce qu’il considérait comme une immense gaffe :
« Vive le Québec libre ! »
(Rolland Pauzin)
Les yéyés
À cette époque je me souviens qu’il y avait des
tourne-disques à piles. Johnny passait à la télé avec Line Renaud comme
marraine dans l’émission de Denise Glaser, il était très timide, évidemment il
a un peu changé maintenant.
Les voitures commençaient à prendre des couleurs, mon père
avait acheté une BMW rouge alors que souvent le noir, le gris et le vert kaki
dominaient.
Pendant les vacances j’allais chez mon grand-père à la
campagne l’été ça sentait bon le foin. À
la ville certaines odeurs qui n’existent plus : le tabac des pipes
qui sentait des pains d’épices, l’essence aussi car il y avait plus de voitures
qu’avant.
J’aurais aimé aller en bicyclette le long du canal avec le
poste radio attaché sur le guidon, j’écoutais SLC sur Europe I, je me laissais
envahir par la douceur du moment.
À cette époque De Gaulle criait : « Vive le Québec
libre » ce qui a été très mal vu des canadiens anglophones.
Les étudiants faisaient un bras d’honneur au gouvernement et
à De Gaulle. Il était interdit d’interdire etc.
J’ai eu ma première douleur, ma grand-mère paternelle
décédée en 1963. On allait souvent au lac de Liez. Premiers émois, les filles
ne voulaient plus jouer aux indiens mais dans le foin.
Aujourd’hui tout à évoluer mais rien n’a changé :
voitures, téléphones, musique, électroménager, télé.
(Christian Duvoy)
C'est dimanche.
Elle est dans la cuisine et finit de débarrasser le petit déjeuner.Elle va y aller quoi qu'en dise son mari. Ils se sont disputés ce matin, il n'est pas d'accord et veut qu'elle reste à la maison.
Il l'a même giflée.
Pourtant elle ira et mettra même le joli chapeau qu'il lui a offert.
Car c'est un acte important qui doit rester dans les mémoires.
Cette giffle elle en sent encore la douce chaleur qui la motive au lieu de l'appeurer.
"J'aurai aimè que nous y allions ensemble pourtant" pense elle en prenant les clefs de la voiture.
(Brigitte)
_____________
Un extrait de L'entreprise des Indes. Erik Orsenna Stock-Fayard, 2010 :
Quand je repense à ces cinq années solitaires à Lisbonne, je les vois comme une île, ma seule époque de liberté au milieu d'une vie enchaînée.
Avant Lisbonne, c'était Gênes et l'enfance. Et l'enfance est une prison.
Puis mon frère prendrait possession de moi, et la prison se ferait plus contraignante encore : jamais, ni de jour, ni de nuit, ni dans les recoins les plus reculés de mes rêves, et pas même lorsque l'océan tout entier nous séparerait, je n'échapperais à la lumière de Christophe.
Alors j'ai joui de cette liberté portugaise avec d'autant plus d'ivresse que je la savais menacée. Ceux qui, à commencer par vous, me reprochent ma conduite dépravée de cette époque, ces dizaines de veuves ou futures veuves que j'ai consolées à ma manière, ceux-là devraient se souvenir que j'ai commis bien pire sous l'emprise de Christophe.
Mon frère n'était pas encore venu frapper à la porte pour me signifier la fin de mes loisirs. Mais je le sentais rôder. J'avais beau me boucher les yeux et les oreilles, fuir les conversations du port à la première nouvelle d'un "jeune Génois navigateur d'exception", il était là. Comme un oiseau de proie il tournoyait, il attendait le moment de fondre sur moi. S'il me laissait quelque répit encore, c'était seulement pour me ménager le temps de me préparer.
Tout ce que j'apprenais de la cartographie ne pouvait que lui servir dans son Entreprise. Cette Entreprise, j'ignorais alors ce qu'elle était. Peut-être lui-même l'ignorait-il encore ? Mon unique certitude était qu'elle me dépasserait puisque, depuis toujours, Christophe me dépasse en tout : âge, taille, force, intelligence, rêves et amour des femmes.
Dieu a voulu que je naisse dans l'ombre de mon frère. Dieu a aussi voulu que je n'en sorte jamais. Même aujourd'hui qu'il est mort depuis sept ans.
Le grand jour
C'est dimanche.
Elle est dans la cuisine et finit de débarrasser le petit déjeuner.Elle va y aller quoi qu'en dise son mari. Ils se sont disputés ce matin, il n'est pas d'accord et veut qu'elle reste à la maison.
Il l'a même giflée.
Pourtant elle ira et mettra même le joli chapeau qu'il lui a offert.
Car c'est un acte important qui doit rester dans les mémoires.
Cette giffle elle en sent encore la douce chaleur qui la motive au lieu de l'appeurer.
"J'aurai aimè que nous y allions ensemble pourtant" pense elle en prenant les clefs de la voiture.
(Brigitte)
_____________
Un extrait de L'entreprise des Indes. Erik Orsenna Stock-Fayard, 2010 :
Quand je repense à ces cinq années solitaires à Lisbonne, je les vois comme une île, ma seule époque de liberté au milieu d'une vie enchaînée.
Avant Lisbonne, c'était Gênes et l'enfance. Et l'enfance est une prison.
Puis mon frère prendrait possession de moi, et la prison se ferait plus contraignante encore : jamais, ni de jour, ni de nuit, ni dans les recoins les plus reculés de mes rêves, et pas même lorsque l'océan tout entier nous séparerait, je n'échapperais à la lumière de Christophe.
Alors j'ai joui de cette liberté portugaise avec d'autant plus d'ivresse que je la savais menacée. Ceux qui, à commencer par vous, me reprochent ma conduite dépravée de cette époque, ces dizaines de veuves ou futures veuves que j'ai consolées à ma manière, ceux-là devraient se souvenir que j'ai commis bien pire sous l'emprise de Christophe.
Mon frère n'était pas encore venu frapper à la porte pour me signifier la fin de mes loisirs. Mais je le sentais rôder. J'avais beau me boucher les yeux et les oreilles, fuir les conversations du port à la première nouvelle d'un "jeune Génois navigateur d'exception", il était là. Comme un oiseau de proie il tournoyait, il attendait le moment de fondre sur moi. S'il me laissait quelque répit encore, c'était seulement pour me ménager le temps de me préparer.
Tout ce que j'apprenais de la cartographie ne pouvait que lui servir dans son Entreprise. Cette Entreprise, j'ignorais alors ce qu'elle était. Peut-être lui-même l'ignorait-il encore ? Mon unique certitude était qu'elle me dépasserait puisque, depuis toujours, Christophe me dépasse en tout : âge, taille, force, intelligence, rêves et amour des femmes.
Dieu a voulu que je naisse dans l'ombre de mon frère. Dieu a aussi voulu que je n'en sorte jamais. Même aujourd'hui qu'il est mort depuis sept ans.
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