André Gide et Jean-Louis Barrault - Nathanaël, jette mon livre |
Atelier du 2 novembre 2012 :
Consigne : écrire un texte commençant chaque paragraphe
(au moins 3 paragraphes) par la même phrase (ou avec de légères variations) du
type :
« prénom ou fils/fille », jette mon
livre/texte/lettre/
« prénom », jette ta bible/Coran/ton solfège/ton
livre de grammaire/de bonnes manières…
Lecture d’un extrait des Nourritures terrestres (d’André
Gide)
« Nathanaël, à présent, jette mon livre.
Émancipe-t’en. Quitte-moi ; maintenant tu m’importunes ; tu me retiens ;
l’amour que je me suis surfait pour toi m’occupe trop.
Je suis las de feindre d’éduquer quelqu’un. Quand ai-je dit que je te voulais pareil à moi ? C’est parce que tu diffères de moi que je t’aime ; je n’aime en toi que ce qui diffère de moi. Éduquer ! Qui donc éduquerais-je, que moi-même ? Nathanaël, te le dirai-je ? Je me suis interminablement éduqué. Je continue. Je ne m’estime jamais que dans ce que je pourrais faire.
Je suis las de feindre d’éduquer quelqu’un. Quand ai-je dit que je te voulais pareil à moi ? C’est parce que tu diffères de moi que je t’aime ; je n’aime en toi que ce qui diffère de moi. Éduquer ! Qui donc éduquerais-je, que moi-même ? Nathanaël, te le dirai-je ? Je me suis interminablement éduqué. Je continue. Je ne m’estime jamais que dans ce que je pourrais faire.
Nathanaël, jette mon livre ; ne t’y satisfais point. Ne
crois pas que ta vérité puisse être trouvée par quelque autre ; plus que de
tout, aie honte de cela. Si je cherchais tes aliments, tu n’aurais pas de faim
pour les manger ; si je te préparais ton lit, tu n’aurais pas sommeil pour y
dormir.
Jette mon livre ; dis-toi bien que ce n’est là qu’une des
mille postures possible en face de la vie. Cherche la tienne. Ce qu’un autre
aurait aussi bien fait que toi, ne le fais pas. Ce qu’un autre aurait aussi
bien dit que toi, ne le dis pas, aussi bien écrit que toi, ne l’écris pas. Ne
t’attache en toi qu’à ce que tu sens qui n’est nulle part ailleurs qu’en
toi-même, et crée de toi, impatiemment ou patiemment, ah ! le plus
irremplaçable des êtres.
Du jour où je parvins à me persuader que je n'avais pas
besoin d'être heureux, commença d'habiter en moi le bonheur ; oui, du jour où
je me persuadai que je n'avais besoin de rien pour être heureux. Il semblait,
après avoir donné le coup de pioche à l'égoïsme, que j'avais fait jaillir
aussitôt de mon cœur une telle abondance de joie que j'en pusse abreuver tous
les autres. Je compris que le meilleur enseignement est d'exemple. J'assumai
mon bonheur comme une vocation.
La peur de trébucher cramponne notre esprit à la rampe de la
logique. Il y a la logique et il y a ce qui échappe à la logique. L'illogisme
m'irrite, mais l'excès de logique m'exténue. Il y a ceux qui raisonnent et il y
a ceux qui laissent les autres avoir raison. Mon cœur, si ma raison lui donne
tort de battre, c'est à lui que je donne raison. Il y a ceux qui se passent de
vivre et ceux qui se passent d'avoir raison. C'est au défaut de la logique que
je prends conscience de moi. Ô ma plus chère et ma plus riante pensée !
Qu'ai-je affaire de chercher plus longtemps à légitimer ta naissance ? N'ai-je
pas lu ce matin dans Plutarque, au seuil des Vies de Romulus et de Thésée, que
ces deux grands fondateurs de cités, pour être nés "secrètement et d'une
union clandestine" ont passé pour des fils de dieux ?...
Il y a sur terre de telles immensités de misère, de
détresse, de gêne et d’horreur, que l’homme heureux n’y peut songer sans
prendre honte de son bonheur. Et pourtant ne peut rien pour le bonheur d’autrui
celui qui ne sait être heureux lui-même. Je sens en moi l’impérieuse obligation
d’être heureux. Mais tout bonheur me paraît haïssable qui ne s’obtient qu’aux
dépens d’autrui… Je préfère le repas d'auberge à la table la mieux servie, le
jardin public au plus beau parc enclos de murs, le livre que je ne crains pas
d'emmener en promenade à l'édition la plus rare, et, si je devais être seul à
pourvoir contempler une oeuvre d'art, plus elle serait belle et plus
l'emporterait sur la joie ma tristesse. Mon bonheur est d'augmenter celui des
autres. J'ai besoin du bonheur de tous pour être heureux. »
André Gide – Nourritures terrestres
Consigne 2 – jeu des bouts rimés - Écrire un poème en 4
strophes avec les rimes suivantes :
________________________________________________
gastronomique (4)
________________________________________________
photomaton (4)
________________________________________________
maton (2)
________________________________________________
astronomique.(4)
________________________________________________
mastique (2) ou élastique (3)
________________________________________________
rejetons (3)
________________________________________________
jetons (2)
________________________________________________
astique. (2)
________________________________________________ mobile (2) ou habile (2)
________________________________________________ bile (1)
________________________________________________ romarin. (3)
________________________________________________ gargamelle (3)
________________________________________________ gamelle (2)
________________________________________________ marin. (2)
Il ne faut pas que rejetons et jetons soit TOUS LES 2
utilisés comme des verbes (car ce ne seraient pas de vrais mots gigognes à ce
moment là)
chaque vers aura 12 syllabes (entre parenthèse le nombre de
syllabes de chaque dernier mot)
si un mot se termine en e (et avec le son e) puis le suivant
commence par une voyelle (ou un h muet) on ne comptera qu’une syllabe.
Exemple :
votre avis (ce sera 3 syllabes vo / tre_a / vis)
par contre
perdue aussi (fera quand même 4 syllabes car le son « due »
reste) per / du / e_au/ ssi.
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