Aimé Césaire au Panthéon |
Atelier du 25
janvier 2013 – Briser la syntaxe I
1 - Consigne :
Écrire un texte court une quinzaine de
lignes/vers qui commencent par : j'habite... ou j'habite le
ridicule de... ou j'habite le rejet de... ou j'habite les habits
des... etc.
Mon habitat
J'habite mon caleçon, mon pantalon,
mes chaussettes, mes baskets, mon sweat-shirt*.
J'habite mon esprit, mes délires
J'habite mon être entre os et chair
J'habite ma casquette pour me protéger
du soleil
J'habite mon parapluie
J'habite mes bêtises, mes détresses,
mes angoisses
J'habite mes peines pour ne pas les
dévoiler
J'habite mes haines
Enfin je ne sais pas vraiment où
j'habite.
(Florent C.)
*(mon sweat-shirt est aussi mon
sweet-shirt)
_______
Le syndrome du démarrage au diesel
J'habite l'incompréhension
J'habite dans la huitième dimension
J'habite dans l'imaginaire
J'habite surtout à l'envers
J'habite même pas peur
J'habite toujours à la même heure
J'habite prés d'un potiron
J'habite mais pas une maison
J'habite une conduite pépère
J'habite la lune j'espère
J'habite mais c'est un leurre
J'habite « ça compte pour du
beurre »
J'habite plus que de raison
J'habite plein de passions
J'habite en me laissant faire
J'habite mais c'est pour plaire
J'habite dans la chaleur
J'habite mais j'arrive à l'heure
(Christian Duvoy)
_______
Le tirailleur sénégalais de Yabon Banania
J'habite une boite jaune aux couleurs rieuses
J'habite un chapeau rond et rouge et une chéchia au manchon de toile
kaki
J'habite une banane aux dents blanches
J'habite l'odeur du chocolat d'un matin rose
J'habite le cliché de l'homme supérieur
J'habite votre onctueux et riche objet publicitaire
J'habite une guerre aux nuits pleureuses
J'habite une tête de troupes aux idées sombres
J'habite une tranchée aux funèbres crêpes noirs.
J'habite le pestiféré rat au poil ras
J'habite le vide de l'oublié
J'habite votre pauvre poubelle surmontée d'une croix
(Rolland Pauzin – écrit en dehors de l'atelier mais pour cet
atelier)
Tirailleur sénégalais de Yabon Banania |
_______
J'habite...
J'habite un nid de coton douillé
J'habite une cage dorée, une cage oppressante, une cage bancale,
une cage cassée, une cage ouverte
J'habite un lit de coton écorché
J'habite un balcon sans rampe
J'habite où le coton s'est envolé
J'habite l'écorchure restée, le vertige immense où il faut
s'accrocher
Libre de choisir
J'habite le choix : trouver une voix.
(Brigitte)
_______
J’habite la désillusion
J’habite la désillusion. Le monde,
depuis que je suis né, est passé de mal en pire. Et l’on raconte
des sornettes pour essayer de déguiser l’abîme vers lequel
l’humanité s’avance.
La population, dit-on, va se stabiliser
à dix milliards. C’est un peu comme dire que le soleil va
s’arrêter de briller quand on aura suffisamment chaud.
Nous avons tout découvert en science,
dit-on. Et pourtant la masse de l’univers cloche dans les calculs.
Et le temps, lui-même, aurait quatorze milliards d’années malgré
le fait apparent qu’il faut cinquante milliards d’années
lumières pour traverser l’univers d’un bout à l’autre (sans
dépasser la vitesse de la lumière).
Du temps ou je suis né, il y avait sur
terre de quoi nourrir tous les humains. Maintenant les biologistes
calculent la quantité d’insectes qu’il faudra pour nous nourrir
tous en cinquante ans.
De mon temps, on comptait tous les
gens. Aujourd’hui seulement les trentenaires sont valables.
Seulement les héritiers de fortunes particulières. Seulement les
candidats de l’ENA.
Vive le nouveau monde de l’avenir !
Et heureux ceux comme moi qui ne vont pas y être.
(Michel René Alix)
_______
Extrait de
"J'habite
une blessure sacrée"
J’habite
une blessure sacrée
j’habite
des ancêtres imaginaires
j’habite
un vouloir obscur
j’habite
un long silence
j'habite
une soif irrémédiable
j'habite un voyage de mille ans
j'habite une guerre de trois cent ans
j'habite un culte désaffecté
entre bulbe et caïeu j'habite l'espace inexploité
j'habite du basalte non une coulée
mais de la lave le mascaret
qui remonte la calleuse à toute allure
et brûle toutes les mosquées
je m'accommode de mon mieux de cet avatar
d'une version du paradis absurdement ratée
-c'est bien pire qu'un enfer-
j'habite de temps en temps une de mes plaies
chaque minute je change d'appartement
et toute paix m'effraie
tourbillon de feu
ascidie comme nulle autre pour poussières
de mondes égarés
ayant craché volcan mes entrailles d'eau vive
je reste avec mes pains de mots et mes minerais secretsj'habite donc une vaste pensée
mais le plus souvent je préfère me confiner
dans la plus petite de mes idées
ou bien j'habite une formule magique
les seuls premiers mots
tout le reste étant oublié
j'habite l'embâcle
j'habite la débâcle
j'habite le pan d'un grand désastre"
j'habite un voyage de mille ans
j'habite une guerre de trois cent ans
j'habite un culte désaffecté
entre bulbe et caïeu j'habite l'espace inexploité
j'habite du basalte non une coulée
mais de la lave le mascaret
qui remonte la calleuse à toute allure
et brûle toutes les mosquées
je m'accommode de mon mieux de cet avatar
d'une version du paradis absurdement ratée
-c'est bien pire qu'un enfer-
j'habite de temps en temps une de mes plaies
chaque minute je change d'appartement
et toute paix m'effraie
tourbillon de feu
ascidie comme nulle autre pour poussières
de mondes égarés
ayant craché volcan mes entrailles d'eau vive
je reste avec mes pains de mots et mes minerais secretsj'habite donc une vaste pensée
mais le plus souvent je préfère me confiner
dans la plus petite de mes idées
ou bien j'habite une formule magique
les seuls premiers mots
tout le reste étant oublié
j'habite l'embâcle
j'habite la débâcle
j'habite le pan d'un grand désastre"
j’habite
souvent le pis le plus sec
du
piton le plus efflanqué -la louve de ces nuages-
j’habite
l’auréole des cétacés
j’habite
un troupeau de chèvres tirant sur la tétine
de
l’arganier le plus désolé
à
vrai dire je ne sais plus mon adresse exacte
bathyale
ou abyssale
j’habite
le trou des poulpes
je
me bats avec un poulpe pour un trou de poulpe
...
A. Césaire - "J'habite une blessure sacrée" dans "Moi, laminaire"
14-SOLDE
Pour Aimé Césaire
J'ai l'impression d'être ridicule
dans leurs souliers
dans leur smoking
dans leur plastron
dans leur faux-col
dans leur monocle
dans leur melon
J'ai l'impression d'être ridicule
avec mes orteils qui ne sont pas faits
pour transpirer du matin jusqu'au soir qui déshabille
avec l'emmaillotage qui m'affaiblit les membres
et enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe
J'ai l'impression d'être ridicule
avec mon cou en cheminée d'usine
avec ces maux de tête qui cessent
chaque fois que je salue quelqu'un
J'ai l'impression d'être ridicule
dans leurs salons
dans leurs manières
dans leurs courbettes
dans leurs multiples besoins de singeries
J'ai l'impression d'être ridicule
avec tout ce qu'ils racontent
jusqu'à ce qu'ils vous servent l'après-midi
un peu d'eau chaude
et des gâteaux enrhumés
J'ai l'impression d'être ridicule
avec les théories qu'ils assaisonnent
au goût de leurs besoins
de leurs passions
de leurs instincts ouverts la nuit
en forme de paillasson
J'ai l'impression d'être ridicule
parmi eux complice
parmi eux souteneur
parmi eux égorgeur
les mains effroyablement rouges
du sang de leur ci-vi-li-sa-tion
(pigments, éditions Présence Africaine)
de Léon-Gontran Damas
Tableaux : Aimé Cesaire entrant dans son Panthéon et publicité de Yabon Banania
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