Claude Monet - Gare Saint Lazare.
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Atelier du premier mars 2013
Consigne : Décrire une scène
fantastique dans une gare
Gare de Bordeaux
Sur le quai sombre, la gare de Bordeaux
est cachée par le train à l’arrêt
Ça sent la clope, on voit leurs points
rouges. Il fait un peu frais, il y a peu de bruit, juste une rare
annonce de temps en temps. Le bruit des pas sur le quai. L'intérieur
du train est éclairé, toutes ses portes sont ouvertes.
Ça fait longtemps maintenant que tout
est ainsi.
Le train s'ébranle tout à coup, la
foule monte précipitamment, chacun reprend sa place, plein d'espoir.
Plus rien, le train s'immobilise à
nouveau!
On n'ose pas descendre, on se regarde,
on attend. Au bout de dix minutes, les plus découragés
redescendent.
Fausse joie, on est encore là.
Peut-être qu'on nous a oublié sur une voie de garage!
J'appelle Laurent pour avoir des
nouvelles sur les mouvements de grève, d'autres écoutent la radio.
Nous en sommes à compter combien il
nous reste de clopes en attendant un hypothétique redémarrage.
Quelqu'un osera-t-il s'éloigner du
train pour en acheter, au risque qu'il reparte sans lui ?
Personne n'ose.
Bon, on se rationne. Est-ce que le
tissus des sièges du train, ça se fume? Dans l'état où il sont,
ça se verra a peine!
J'en arrache un morceau, le roule,
l'allume,tout prend feu et je me brûle les cheveux! Bon raté...
Je pourrais essayer le papier toilette
du train avec un peu d'herbe du bas coté, ça ne s'allume pas,
l'herbe est trop humide.Une page de mon agenda, ça brûle aussi!
Un homme en uniforme vient vers moi,
m’entraîne de force vers la gare et me voilà encadrée de deux
policiers! Je suis accusée d'avoir voulu mettre le feu au train.
Ce sont des non-fumeurs, et veulent
m’emmener au commissariat. Comble de malheur, en plus, le train
repart sans moi!!! Je suis maudite.
Non, je positive. Demain je visiterai
Bordeaux.
(Brigitte)
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En perdre le Nord
Paris. Gare du nord. Train spécial,
direction Lille.
Attente dans une salle aux murs
remplies de photos de sportifs assez originales. Quelques
reproductions des tableaux de Jean-Pierre Rives. Surprenant, il n'y a
pas de sang qui coule de ces visages rugueux ou blonds et pourtant
l'atmosphère de bataille sauvage est bien présente.
Très peu de bruit. Une ambiance plutôt
snob. Des manteaux de fourrures, des sacs signés par les grands
chantres de la mode actuelle se croisent.
Puis des tricots tricolores et des
bières entrent et sortent. Le ton monte. Des rires commencent à
s'élever. La chaleur aussi. Décalage entre cette nouvelle vague à
l'air plutôt macho et l'ambiance sélecte d'il y a quelques minutes.
Stress. Tension. Il n'y a qu'un train.
Il ne faut pas le rater. Les vitres embuées ne permettent de voir la
locomotive de l'intérieur de la salle d'attente. L'horloge ne semble
pas donner l'heure exacte. Les aiguilles tournent très lentement.
Un ricanement moqueur brise ce nouveau
silence. Il est suivi par un bris de bouteille et des bruits de
verre. Une vague de têtes se polarise vers ce coin devenu bruyant.
L'horloge, probablement choquée, s'arrête. Elle était près de la
mort. Elle a franchi ce mur sans retour.
Une gamine se serre contre la jupe de
sa mère. Le petit frère reste bouche bée. L'horloge sort ses deux
gros yeux noirs qui permettent normalement de la remonter avec une
vieille clef tandis que le gros supporter du Stade français prend la
bouteille cassée et se précipite vers le chef de gare.
Il est vrai que ce train spécial a du
retard. Il sera très difficile d'arriver à l'heure pour voir ce
grand match de rugby contre le Munster. Ça sent mauvais, tout ça !
Le petit garçon crie : « maman !
Maman ! Le gros bouffi va le tuer ce chef de gare ! On va
rater le match si le train ne peut pas partir. Effectivement,
l’éméché rondouillard brandit la bouteille cassée vers la nuque
du représentant de la SNCF. La fillette pleure. La mère bande ses
yeux avec ses mains aux brillants bijoux. Les spectateurs de ce
début de combat injuste retiennent leur souffle puis comme si tout
se figeait, l'horloge étend son bras des secondes pour retenir celui
de ce presque meurtrier. Cette ressuscitée de l'exact timing réussit
à le désarmer.
Le chef de gare s'empresse d'appeler
les voyageurs. Satisfait, il siffle un grand coup. Le train s'en va,
quelques passagers surpris courent pour sauter à temps dans ces
wagons.
L'énergumène au bras retenu par la
Déesse du Temps, comme un verre de glace, se casse.
Trop tard ! Le spectateur béat
que je suis a raté le train.
Quelle poisse !
(Rolland Pauzin)
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Texte de référence :
HENRI MICHAUX
UN CERTAIN PLUME
I - UN HOMME PAISIBLE
Étendant les mains hors du lit, Plume
fut étonné de ne pas rencontrer le mur : « Tiens, pensa-t-il, les
fourmis l’auront mangé… » et il se rendormit.Peu après, sa
femme l’attrapa et le secoua : « Regarde, dit-elle, fainéant ! Pendant que tu étais occupé à dormir, on nous a volé notre
maison. » En effet, un ciel intact s’étendait de tous côtés. «
Bah, la chose este faite », pensa-t-il.Peu après, un bruit de fit
entendre. C’était un train qui arrivait sur eux à toute allure. «
De l’air pressé qu’il a, pensa-t-il, il arrivera sûrement avant
nous » et il se rendormit. Ensuite, le froid le réveilla. Il était
tout trempé de sang. Quelques morceaux de sa femme gisaient près de
lui. « Avec le sang, pensa-t-il, surgissent toujours quantité de
désagréments ; si ce train pouvait n’être pas passé, j’en
serais fort heureux. Mais puisqu’il est déjà passé… » et il
se rendormit.- Voyons, disait le juge, comment expliquez-vous que
votre femme se soit blessée au point qu’on l’ait trouvée
partagée en huit morceaux, sans que vous, qui étiez à côté, ayez
pu faire un geste pour l’en empêcher, sans même vous en être
aperçu. Voilà le mystère. Toute l’affaire est là-dedans.- Sur
ce chemin, je ne peux pas l’aider, pensa Plume, et il se
rendormit.- L’exécution aura lieu demain. Accusé, avez-vous
quelque chose à ajouter ?- Excusez-moi, dit-il, je n’ai pas suivi
l’affaire. Et il se rendormit.
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Tableau : Claude Monet - Gare
Saint Lazare.
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